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Friday, March 31, 2006

Le happy slapping, un triste phénomène

La Presse
Actuel, samedi 11 février 2006, p. ACTUEL8
Le happy slapping, un triste phénomène
Yves Schaëffner, Collaboration spéciale

Londres - Le nom est drôle, la pratique ne l'est pas: le happy slapping consiste généralement à gifler-voire battre- quelqu'un tout en filmant sa réaction à l'aide d'un téléphone cellulaire. Né à Londres, le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur.

Le 30 octobre 2004 au soir, David Morley se baladait tranquillement sur le bord de la Tamise dans le joli coin de Waterloo, non loin du parlement, lorsqu'il a été assailli par trois gars et une fille. Le plus vieux avait 20 ans, la plus jeune, 14 ans. Sans aucune raison, Reece Sargeant, Darren Case et David Blenman se sont mis à le rouer de coups sous le regard complice de Chelsea O'Mahoney qui filmait l'horrible scène à l'aide de son téléphone cellulaire. Ce soir-là, David Morley était la cinquième victime du petit groupe. Mais contrairement aux quatre autres, le gérant de bar de 38 ans ne s'en est pas remis. Il est mort des suites de ses blessures à la tête.

L'histoire a évidemment bouleversé l'Angleterre. Le 23 janvier dernier, les trois adolescents et la jeune fille ont finalement été reconnus coupables d'homicide involontaire et condamnés à 12 et huit ans de prison respectivement. Dans son jugement, le juge Barker a souligné que ce n'était pas la première " expédition " de certains membres du groupe. Il semble " que vous soyez devenu obsédé par l'idée de surprendre des gens, de les agresser et de les filmer pour votre propre gratification ", a dit le juge.

Hypermédiatisé, ce cas- extrême- a révélé au grand public l'existence de ce nouveau phénomène. Répandu dans les cours d'école, le happy slapping serait en fait né dans les rues du sud de Londres, en 2004. Soit quatre ans après l'apparition des premiers portables munis d'une caméra.

Le Dr Graham Barnfield, conférencier à l'Université d'East London et spécialiste du phénomène, pense comme plusieurs que celui-ci est d'abord apparu dans l'univers du Garage (style musical qui associe musique électronique et rap) du sud de la capitale.
" C'est un milieu où les jeunes sont friands de gadgets, de sonneries de téléphone et de cellulaires
flashy. On compare parfois le milieu Garage au gangsta rap américain. Il y a ce même côté clinquant, ce même goût pour les gros bijoux. Et les téléphones munis de caméra font partie de ce côté show-off ", explique le conférencier.
" Il y a également beaucoup de délinquance reliée aux cellulaires. Les petits criminels ont aujourd'hui davantage tendance à voler ce genre de téléphones que des portefeuilles ", ajoute-t-il.
Quant à l'idée de se " divertir " en filmant des attaques gratuites contre des passants, des camarades de cour d'école ou des passagers dans les transports en commun, le professeur pense qu'elle n'est pas étrangère à la popularité des émissions de téléréalité, telles que Jackass ou Dirty Sanchez.
" On ne peut pas dire que l'un est la cause et l'autre la conséquence, nuance Graham Barnfield, mais en même temps, la téléréalité a un impact sur notre regard, sur nos attitudes. Aujourd'hui, l'humiliation d'une personne est devenue une source de divertissement dans le cadre de ces émissions. Ce n'est pas étonnant que des adolescents tentent de recréer leur propre version. "

Si les petites vidéos que l'on retrouve de temps en temps sur Internet sont parfois mises en scène, les histoires qui ont fait les manchettes ces derniers mois ne le sont pas. Que l'on pense au cas de Becky Smith, 16 ans, qui a été temporairement paralysée à la suite d'une attaque par des camarades de classe ou à Matthew Kitchen, de Manchester, que deux jeunes ont tenté d'incendier alors qu'il était assoupi à un arrêt d'autobus.

Impossible à mesurer- ni la police ni le ministère de l'Intérieur, responsable des questions de sécurité, ne possèdent de statistiques puisqu'il ne s'agit pas d'une infraction en soi-, le phénomène du happy slapping est toutefois connu de tous les jeunes. Certaines écoles, comme Saint-Martin-in-the-Fields du sud de Londres, ont même désormais interdit les téléphones cellulaires dans leurs locaux. Jamie, élève de 13 ans, de l'est de la capitale, explique ainsi que depuis 2004, il entend parler de cas d'happy slapping de manière régulière.
" Cela n'arrive pas tous les jours, mais on entend au moins une histoire chaque mois. La direction de l'école, il y a six mois, nous a même fait un discours sur la question pour nous mettre en garde. "
Jamais victime ou agresseur, le jeune aux cheveux blonds admet toutefois qu'un ami lui a déjà envoyé, une fois, une vidéo sur son cellulaire. Celle-ci mettait un scène un jeune giflant un autre, avant de s'enfuir.
" Mais je ne l'ai pas gardée, assure l'adolescent. Je l'ai rapidement effacée. "
Conscient du phénomène- qui se répand aujourd'hui un peu partout en Europe et en Amérique du Nord-, le ministère de l'Intérieur ne prévoit toutefois pas légiférer sur la question.
Interrogée par La Presse, une porte-parole du Ministère précise: " Nous pensons que les lois
existantes sont suffisantes. Les personnes qui filment un crime sont vues comme complices, elles encourent les mêmes pénalités que celles qui commettent le crime. Et cela nous paraît suffisant", dit-elle.

Catégorie : Société et tendances
Sujet(s) uniforme(s) : Télécommunications; Musique;
Téléphonie
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